The Curse, de Marie Rutkoski



Éditeur : PKJ.
Date de parution : 16 février 2017
Public visé : Young adult
Nombre de pages : 456
Prix : 15 euros

Quatrième de couverture :  
Fille du plus célèbre général d'un empire conquérant, Kestrel n'a que deux choix devant elle : s'enrôler dans l'armée ou se marier. Mais à dix-sept ans à peine, elle n'est pas prête à se fermer ainsi tous les horizons. Un jour, au marché, elle cède à une impulsion et acquiert pour une petite fortune un esclave rebelle à qui elle espère éviter la mort. Bientôt, toute la ville ne parle plus que de son coup de folie. Kestrel vient de succomber à la " malédiction du vainqueur " : celui qui remporte une enchère achète forcément pour un prix trop élevé l'objet de sa convoitise.

Elle ignore encore qu'elle est loin, bien loin, d'avoir fini de payer son geste. Joueuse hors pair, stratège confirmée, elle a la réputation de toujours savoir quand on lui ment. Elle croit donc deviner une partie du passé tourmenté de l'esclave, Arin, et comprend qu'il n'est pas qui il paraît... Mais ce qu'elle soupçonne n'est qu'une infime partie de la vérité, une vérité qui pourrait bien lui coûter la vie, à elle et à tout son entourage.

Gagner sera-t-il pour elle la pire des malédictions ? Jeux de pouvoir, coups de bluff et pièges insidieux : dans un monde nouveau, né de l'imagination d'une auteure unanimement saluée pour son talent, deux jeunes gens que tout oppose se livrent à une partie de poker menteur qui pourrait bien décider de la destinée de tout un peuple.
 


Mon   avis :

Dans un monde où la guerre a vu la défaite des Herranis au profit des Valoriens, Kestrel est une jeune femme convoitée. Fille du plus puissant général de la région, elle doit faire face aux prétendants autant qu'à ses propres désirs et aspirations qui ne se confondent pas toujours aux attentes immenses que son père place en elle. Stratège, elle sait rester prudente et jauger ses adversaires. Pourtant, son âme de joueuse est plus forte que tout et pourrait bien la perdre : alors qu'elle gagne les enchères d'un esclave qu'elle n'avait pas prévu d'acquérir avant qu'on ne le dise chanteur, elle ne peut que se demander ce que son arrivée dans sa vie risque de bouleverser, au-delà de ses propres convictions...


Ce livre, j'en avais entendu parler bien avant sa sortie en France. Les booktubeuses anglaises l'avaient tant encensé que j'étais impatiente de pouvoir me faire mon propre avis. Ce n'était d'ailleurs pas forcément une bonne nouvelle pour ce roman puisque j'ai tendance à être alors horriblement exigeante et à avoir des attentes disproportionnées. Pourtant, je suis tombée sous le charme de cette malédiction !

En effet, "The Curse" s'est révélé être un immense et passionnel coup de cœur. Loin des habituels clichés des ouvrages young adult, son auteur a su construire le début d'une saga fantasy prometteuse et aux multiples facettes.

On est entraîné dans un univers qui rappelle les récits de l'Antiquité. Un peuple de conquérants, les Valoriens, a vaincu les Herranis, peuple de savoir, et pris leurs terres avant de les réduire en esclavage. Cette opposition entre guerriers et intellectuels peut être aisément mise en parallèle avec la conquête de l'Empire grec par Rome, même si les romains ne sont pas allés si loin. Moi qui suis une grande adepte de l'Histoire, j'ai apprécié cette utilisation des codes anciens pour construire un monde cohérent et intriguant.

Puis on fait la connaissance de Kestrel, fille d'un grand général, héros de la guerre du Herran. Élevée en digne héritière, elle a été façonnée pour être une parfaite Valorienne : fière, hautaine, intraitable, manipulatrice,... Elle peut paraître très agaçante pour le lecteur, voire même le décourager dans un premier temps tant elle respire l'assurance et la suffisance. Néanmoins, on apprend peu à peu à la connaître, elle et ses véritables aspirations : elle suit les règles autant parce que c'est son éducation qui a fait d'elle ce qu'elle est, que pour répondre aux attentes paternelles. Finalement, elle m'a fait de la peine en un sens car, même si elle peut paraître cruelle et indifférente, on comprend qu'elle lutte entre le rôle qu'elle doit adopter en raison de son statut et son identité... Elle se cherche, bien qu'une échéance l'attende : comme toutes les jeunes valoriennes, elle devra bientôt choisir entre s'engager dans l'armée ou se marier. C'est sa force de caractère et son côté stratège que j'ai finalement adorés. 

Alors oui, certains diront peut-être qu'elle est trop dans la contradiction, qu'elle achète un esclave alors même qu'elle semble être contre cette pratique,... Cependant, j'y vois davantage l'authenticité du personnage dont on découvre au fil des pages toutes les nuances. Kestrel n'est pas qu'une enfant pourrie gâtée par un père puissant, c'est une jeune fille qui essaye de se construire dans l'ombre de celui-ci et cette évolution est réellement perceptible tout au long du roman.

Cette progression est d'ailleurs un autre élément qui peut choquer. En effet, si je me suis laissée embarquer rapidement dans cette histoire, le rythme reste extrêmement lent. Si vous aimez les romans remplis d'action, passez votre chemin. L'intrigue ne se débloque que dans le dernier tiers et tout ce qui précède n'est qu'un prélude où les jeux de pouvoir et les manigances se succèdent : dans la lumière, mais aussi dans l'ombre...

L'ombre, c'est Arin. Cet esclave herrani que Kestrel acquiert sur un coup de tête en remportant les enchères au marché. Il est sans nul doute le personnage que j'ai préféré (même si Kestrel était en bonne position pour remporter le titre, le jeune homme avait plus d'atouts pour séduire : je suis faible^^). On comprend vite que son passé est loin d'avoir été facile, et encore cela est un euphémisme... Il a réussi à le surmonter d'une certaine façon et se montre touchant sans tomber dans le pathos. Tenace et plein de secrets, déterminé au moins autant que Kestrel... Finalement, perdus dans leurs faux-semblants, ils étaient destinés à jouer tous deux au chat et à la souris (ou plutôt à une partie bien réelle de Crocs et Venins, leur jeu favori) : ce qui va bouleverser bien plus que leurs propres existences.

Bien sûr, la romance était inévitable entre ces deux personnages ! Il est bien rare que j'approuve l'avènement d'une romance dans une intrigue qui s'amusent à tirer sur d'autres ficelles que je trouve bien plus passionnantes (ici, les enjeux politiques entre vainqueurs et vaincus) : déjà parce que je ne suis pas une grande fan de ce genre d'idylle née souvent de nulle part, mais aussi parce que les mièvreries qui gravitent autour de ces histoires pour midinettes me gonflent rapidement pour le dire clairement. Toutefois, dans "The Curse", on ne peut pas parler de romance tant elle se dessine avec tact. C'est une étrange complicité qui se crée, un lien fragile,... C'est ce dont ils ont le plus peur qui s'écrit entre eux, une faiblesse des sentiments qui sont décrits avec une finesse qui a serré mon cœur à chacun des évènements qui les bouleversaient. Rien n'est écrit à l'avance, rien n'est acquis et est-ce seulement possible ?

Bref, j'ai été émue et souffre d'un coup de foudre dû également à la sublime et ô combien poétique plume de Marie Rutkoski ! Il est extrêmement rare que je trouve un style d'écriture qui me plaise autant et dont je puisse vanter à ce point l'originalité. Je suis quasiment certaine que je saurais la reconnaître entre d'autres tant elle revêt une mélodie particulière, ce qui s'accorde bien avec la passion dangereuse de Kestrel pour la musique... Comment ne pas succomber ?


En conclusion, ce roman est mon premier coup de cœur de l'année 2017 ! On sent l'investissement de l'auteur qui a développé des personnalités fortes et uniques et qui réussit la difficile performance de maintenir un bel équilibre : jamais un aspect de son récit n'en exclut un autre et si le rythme est tout d'abord lent, les émotions s'enchaînent ensuite au fil des révélations. On s'attache aisément aux personnages, touchants et passionnés. Si Kestrel souffre de la malédiction du vainqueur, je souffre de celle du lecteur pour avoir dévoré d'un bout à l'autre son histoire, sans faillir et profitant du moindre de mes moments libres pour connaître la suite... J'ai encore sur les lèvres le goût amer de la fin qui ne me donne qu'une envie : être au 14 septembre pour accourir en librairie et me plonger dans "The Crime", le deuxième tome de cette saga prometteuse.


Points positifs :
  • Un récit complexe bénéficiant d'un développement soigné qui ne néglige aucun aspect de la problématique à laquelle sont confrontés les personnages.
  • Un éventail de personnages aussi varié qu'étonnement réfléchis !
  • Un monde innovant, inspiré du mode de vie et des traditions de l'Empire romain.
  • Des émotions jouées toute en finesse : elles ne manqueront pas de vous donner des frissons.
  • Si vous aimez les plumes originales, poétiques et douces, ce roman est fait pour vous !

Points négatifs :
  • Aucun ? Honnêtement, j'ai beaucoup de mal à trouver un point négatif à ce roman. Peut-être la lenteur du déroulement de l'intrigue pourrait-elle décevoir les lecteurs en quête d'un récit d'action...mais ce serait bien le seul cas de figure


***

Et je terminerai sur cette citation :  
« Elle regarda le ciel blanc se muer en neige et frémir au-dessus d'une mer de plomb. De petites étincelles glacées lui effleuraient la peau. Il neigeait au-dessus d'elle, au-dessus de lui, mais Kestrel savait qu'aucun flocon ne pourrait jamais les toucher tous les deux à la fois.» - The Curse



Ouvrage lu dans le cadre des Challenges de Mort Sûre



Aelinor

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